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Voyages en train : quel potentiel pour les agences ? 🔑

Retour sur la conférence IFTM « Voyages en train, le nouvel Eldorado du tourisme ? »


Le voyage en train a-t-il la cote face à l'avion, l'autocar ou la voiture ? Peut-il se vendre facilement en agence de voyages ? Est-il rémunérateur pour les distributeurs ? Autant de questions abordées au cours d'une conférence sur le salon IFTM Top Resa, le 4 octobre dernier. Voici quelques éléments-clés à retenir.


Rédigé par le Mercredi 18 Octobre 2023

Pass rail, nouveaux services, plus durables : les voyages en train se réinventent pour attirer de nouveaux voyageurs - DR : DepositPhotos.com, ifeelstock
Pass rail, nouveaux services, plus durables : les voyages en train se réinventent pour attirer de nouveaux voyageurs - DR : DepositPhotos.com, ifeelstock
C'est une conférence qui a fait salle comble lors de l'IFTM Top Resa.

Le sujet sur « Les voyages en train, nouvel Eldorado du tourisme ? » a su attirer les foules, dont des agents de voyages aux profils variés, comme un autocariste ou une conseillère voyages intéressée pour construire une offre train + véloroute.

Face au public, Estelle Nicolay, cofondatrice du tour-opérateur Railtrip, spécialisé dans les voyages en train. Mais aussi Alisée Pierrot et Chiara Pellas, co-fondatrices de l'association Mollow, qui prône un mode de voyage plus durable, David Mascorda, directeur général de Rail Charter Service, qui permet d'affréter des trains de passagers à travers l'Europe, ou encore le blogueur et influenceur Bruno Maltor.

Tous sont favorables au développement du voyage en train mais, pour autant, ils n'ont pas hésité à évoquer les freins - encore nombreux - à son déploiement.


Les voyages en train bien plus chers que l'avion

A commencer par son prix. « Le train est 2,5 fois plus cher que l'avion en France », a indiqué d'emblée Chiara Pellas.

Un constat partagé par Bruno Maltor dans le cadre d'un de ses déplacements : « aller en Suède en train depuis Paris coûte 3 à 4 fois plus cher que l'avion, a-t-il souligné. Il faut donc prendre un peu de recul sur la situation et se dire que pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde, dans une période d'inflation, le train peut être une solution compliquée ».

« Ce type de voyage coûte toujours plus cher que l'avion, a renchéri Estelle Nicolay, il est aussi plus long, donc la réflexion du client doit être différente. Un client qui vient nous voir ne doit pas nous dire : « je veux me rendre là, proposez moi un itinéraire en train », mais il doit nous dire : « je veux voyager en train et je recherche du soleil, de la gastronomie, etc. » et là nous allons lui proposer un voyage en fonction soit de nos itinéraires, soit de ce que l'on va découvrir en construisant le voyage autrement.

C'est comme ça que nous nous sommes retrouvés à aller à Innsbruck, qui est une ville magique, alors que jamais toute seule, je n'aurais pensé y aller. Mais il se trouve qu'il existe un train de nuit direct entre Amsterdam et Innsbruck, qui nous a permis d'élaborer un tour en 10 jours jusqu'à Venise en passant par les Dolomites
».

Depuis sa création il y a trois ans, Railtrip a mis sur pied une vingtaine de circuits en Europe, où le trajet fait partie du voyage, et qui contiennent des expériences tout au long du parcours, pour le rendre « sexy et agréable », poursuitselon sa co-fondatrice.

Lire aussi : Futuroscopie : rendre le tourisme durable plus sexy, un impératif catégorique 🔑

Des problèmes de disponibilités

Face au public, Estelle Nicolay (Railtrip), Alisée Pierrot et Chiara Pellas (Mollow), David Mascorda (Rail Charter Service et le blogueur et influenceur Bruno Maltor - DR : A.B.
Face au public, Estelle Nicolay (Railtrip), Alisée Pierrot et Chiara Pellas (Mollow), David Mascorda (Rail Charter Service et le blogueur et influenceur Bruno Maltor - DR : A.B.
Pour séduire davantage de voyageurs, notamment parmi les jeunes, « il faut travailler sur les imaginaires, parce que depuis des années, nous sommes martelés par des images de pays lointains accessibles en avion », a déclaré Chiara Pellas.

« il faut montrer que le train peut être une aventure dans l'aventure, a ajouté Bruno Maltor, qui essaie de mettre cette idée en avant sur ses réseaux sociaux. Encore faut-il que les trains soient originaux, qu'ils aient quelque chose à raconter ou proposent des expériences un peu insolites ».

Le retour en force du train de nuit peut aussi présenter un bel argument pour des voyageurs au budget plus serré, en ce qu'il leur fait économiser une nuitée dans un hébergement.

Pour autant, « ils sont très vite remplis et je pense que l'été prochain, nous serons confrontés à un problème de disponibilité dans les trains de nuit », a interpellé Estelle Nicolay, rappelant que le parc ferroviaire était pour l'heure limité et que, si des commandes pour de nouveaux trains sont lancées, notamment en Autriche, en Suède, en Finlande, les livraisons sont longues à arriver...

« La France ne devrait pas tarder à lancer également la commande », a-t-elle même conseillé.

Un pass unique européen, une utopie ?

Le projet d'une uniformisation de l'offre - avec le développement d'un Pass Rail - est aussi revenu à de nombreuses reprises sur le tapis.

« L'expérience dans le train et en gare doit être positive si on veut fidéliser les clients », a insisté Estelle Nicolay, qui est revenue sur la mise en place de ce ticket unique. « Avez-vous pris le train en Allemagne cet été ? a-t-elle lancé à l'auditoire, soulignant les couacs au niveau des correspondances notamment. Alors c'est bien que le ticket ne coûte pas cher, mais si ça ne roule qu'à moitié... Il y a un véritable travail de fond à réaliser sur les infrastructures et le bon fonctionnement des trains ».

Pour appliquer ce modèle en France, le Gouvernement devra commencer par convaincre les Régions. « Voyager à l'intérieur d'une même région est très facile, mais la situation se complique quand on parle de trajets interrégionaux », a souligné Alisée Pierrot.

Elle poursuit : « Il existe de nombreuses disparités entre les Régions. Savez-vous qu'il existe 42 cartes d'abonnement TER différentes ? », a-t-elle pointé pour donner une idée du chantier...

Lire aussi : Emmanuel Macron s'engage dans la Bataille du rail ! 🔑

Au-delà des modalités de transports, les volontés politiques de développement des trajets en train diffèrent selon les Régions. Certaines sont très impliquées, comme l'Occitanie avec le Rail Tour ou les Hauts-de-France qui ont lancé une offre dont le prix comprend le billet de train et l'accès à un site touristique (musée, aquarium, etc.).

« Cela permet de proposer un trajet clé en main, a ajouté la co-fondatrice de Mollow. La mise en avant de toutes ces initiatives régionales positives, dans le cadre d'un Pass rail, permettrait de créer des synergies et de faciliter le développement du rail en France », s'est encore enthousiasmé Alisée Pierrot. « Si on faisait la même chose au niveau européen, malgré les aspects contraignants, en proposant un ticket unique, ce serait le Graal », a-t-elle ajouté.

Le train doit s'adapter aux usages

Le chemin semble encore bien long pour parvenir à une uniformisation au niveau européen... car il faut aussi prendre en compte le côté technique !

David Mascorda, dont le job consiste à affréter des trains pour des tour-opérateurs, des clubs sportifs de supporters ou encore dans le cadre de festivals ou d'opérations MICE, en connaît un rayon !

« Il y a des différences au niveau européen entre les systèmes de signalisation, au niveau des tensions électriques qui changent d'un pays à l'autre, tout comme l'écartement des rails, ce qui nécessite d’utiliser une locomotive « multiservices » ou de faire un relais de traction à la frontière, en changeant de locomotive. Sans parler du délai de livraison des trains », a-t-il expliqué à l'assemblée.

Mais les choses changent : « Il y a de plus en plus de locomotives universelles et un système de signalisation européen est en train de se mettre en place, mais c'est très très long », a-t-il souligné.

Son souhait ? « Dans un premier temps, un engagement plus massif de l’État français au niveau des investissements, et des péages ferroviaires plus compétitifs qui permettraient d'aligner le train sur les tarifs des compagnies aériennes ».

Lorsqu'il affrète des trains entre plusieurs pays, et pour que le temps paraisse moins long à ses clients, le fondateur de Rail Charter Service propose à bord des expériences de team building, un restaurant, une discothèque, etc. Il est d'ailleurs favorable au développement des voitures restaurant « qui sont propices aux rencontres ou aux expériences gastronomiques » ou des voitures avec des espaces dédiés pour les enfants ou pour les familles, sur les longs trajets.

Ou encore, lors des grands départs en vacances, des voitures fourgons, dédiées au rangement des bagages. « Il faut plus de matériel adapté aux usages pour les trains loisirs, pour rendre le train plus sexy », énumère-t-il.

« Le train doit permettre de passer des moments de vie hyper cool, proposer des expériences. Pourquoi pas un bar, un resto, une discothèque, un musée », a ajouté Chiara Pellas.

« Et pourquoi pas une voiture panoramique, qui nous permettrait de vivre des belles histoires que l'on va par la suite raconter à notre entourage pour rendre le train toujours plus sexy », a rajouté Bruno Maltor, revenant sur sa propre expérience lors de sa traversée du Canada en train.

Voyages en train : le problème du dernier kilomètre

Sexy, expérientiel, plus confortable et adapté aux besoins des voyageurs... Le voyage en train ne doit pas faire oublier son rôle premier : celui d'acheminer les passagers vers des lieux touristiques.

« Il existe énormément de solutions de transports mises à disposition des voyageurs pour effectuer les derniers kilomètres : transports urbains, location de vélos, etc. L'important est de bien les renseigner, de s'assurer que l'information est partout : sur le site SNCFConnect, sur les sites des Offices du Tourisme, etc. », a insisté Alisée Pierrot.

« Il faut aussi mettre en avant les bons plans qui montrent que le train peut amener les voyageurs directement jusqu'à une expérience, a renchéri Bruno Maltor. Je l'ai fait récemment en parlant d'un train qui emmène les voyageurs directement au départ d'une randonnée à Fécamp, tout près d'Etretat en Normandie ».

Lire aussi : "Dans 3 ans, tout le monde voyagera en train en Europe"

Quid de la rémunération ?

Reste la question de la rémunération : comment faire du business avec les compagnies ferroviaires, quand on voit les commissions qu'elles reversent ? « Chez Railtrip, nous ne comptons pas sur les compagnies ferroviaires pour vivre, mais sur la marge réalisée avec le package, une fois nos partenaires payés », explique Estelle Nicolay.

Pour justifier la différence de prix, le tour-opérateur construit un voyage qui n'est pas comparable avec ce que le client pourrait réserver par lui-même. « L'aller-retour à Barcelone, on ne l'a jamais vendu et on ne le vendra jamais. Par contre, notre circuit de 12 jours en Slovénie, on y ajoute tellement de choses qu'il est incomparable.

Et les clients viennent chez nous à la fois parce qu'ils veulent voyager en train, mais aussi parce qu'ils veulent bénéficier du service, de l'assurance, du suivi, sans la prise de risque, comme dans n'importe quelle agence
 ».

Une agence qui doit aussi s'adapter à la typologie de ses clients. Les groupes notamment. « Nous avons déjà fait l'expérience d'un groupe de 167 personnes que nous devions envoyer à Munich. C'est faisable, mais bien évidemment le risque est plus grand... surtout si le groupe rate sa correspondance », ajoute Estelle Nicolay.

Idem pour les seniors. « Nous avons étudié l'idée de les faire voyager en train, a indiqué une autocariste présente dans le public. Mais cela peut vite s'avérer compliqué avec les bagages... ».

« Nous avons l'habitude de traiter ce genre de demandes, a rebondi David Mascorda de Rail Charter Service. Nous affrétons des voitures dédiées aux groupes, avec une offre de restauration différente ».

Des politiques qui tardent à se mettre en place

Pour démocratiser le voyage en train, les intervenants de la conférence attendent des gouvernements européens davantage d'investissements dans les infrastructures, dans les trains, ainsi qu'une véritable volonté de rendre le train à la fois plus accessible et plus compétitif face à des modes de transports plus carbonés, l'avion notamment.

« Les taxes sont différentes entre le ferroviaire et l'aérien et il faut dans un premier temps, pouvoir limiter cette distorsion de concurrence - qui est politique, a soulevé Chiara Pellas.

L'évolution est en cours, nous l'avons vu cet été avec les annonces de Clément Beaune quant à la Loi de Finances 2024, de même que le plan à 100 milliards d'euros lancé par l’État, ajoute-t-elle, avec une pointe de regret vis-à-vis de la lenteur de sa mise en place. On peut augmenter toute la visibilité que l'on veut, mais si le train ne suit pas derrière, on n'y arrivera jamais ».

La bataille s'annonce épique.

Lire aussi : Cyril Dion : en matière d’aérien, "il faut réduire et choisir" 🔑


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